L’attachement désigne le lien affectif profond qui se construit dès les premiers mois de vie entre l’enfant et sa figure de soin. John Bowlby a montré que cette expérience fondatrice structure la capacité à entrer en relation, à se sentir en sécurité auprès d’autrui et à réguler son univers émotionnel. À travers la manière dont le parent répond aux signaux du nourrisson, se forment des représentations internes du lien : suis-je digne d’être aimé ? l’autre est-il fiable ? puis-je m’appuyer sur quelqu’un quand j’en ai besoin ?
Ces modèles internes, intégrés très tôt, continuent d’agir tout au long de la vie. Ils se réactivent tout particulièrement dans les relations où l’enjeu affectif est fort, notamment dans le couple.
La construction des styles d’attachement dans l’enfance:
Attachement sécure:
Lorsque le parent est globalement présent, sensible et cohérent dans ses réponses, l’enfant apprend que ses émotions sont recevables et compréhensibles. Il intériorise l’idée que ses besoins peuvent être entendus, qu’il peut s’appuyer sur l’autre pour se réguler. Cette base de sécurité favorise l’exploration, la curiosité et la confiance.
Message intériorisé : « je suis digne d’amour, l’autre est fiable. »
Attachement évitant:
Dans les contextes où les émotions de l’enfant sont minimisées, ignorées ou perçues comme gênantes, l’enfant comprend rapidement que montrer ses besoins risque d’entraîner du rejet. Il apprend à s’auto-suffire, à ne pas déranger, à se couper de sa vulnérabilité. L’autonomie devient une forme de protection.
Message intériorisé : « pour être accepté, je dois ne rien demander. »
Attachement anxieux (ambivalent):
Lorsque la disponibilité du parent est instable (parfois très présente, parfois indisponible ou absorbée par ses propres tensions) l’enfant vit la relation dans l’incertitude. Il développe une hypervigilance au lien, cherchant à maintenir la proximité par la demande insistante.
Message intériorisé : « l’amour peut s’échapper, je dois surveiller et retenir l’autre. »
Attachement désorganisé:
Ce style apparaît lorsque la figure d’attachement est également source de peur ou de détresse (conflits sévères, négligence grave, traumatisme parental, violence). L’enfant se trouve dans un paradoxe insoluble : il cherche la protection auprès de celui qui effraie. Aucune stratégie stable ne peut se construire.
Message intériorisé : « l’autre est indispensable, mais dangereux. »
Répercussions à l’âge adulte : dynamiques relationnelles et souffrances associées
Les modèles d’attachement influencent la manière de vivre l’intimité, la proximité émotionnelle, la gestion de la séparation et du conflit, et l’estime de soi.
Adulte à attachement sécure: La personne sécure peut entrer en relation sans se sentir menacée par la proximité ou la distance. Elle sait exprimer ses besoins, reconnaître ceux de l’autre, et traverser les conflits sans craindre la rupture. Elle bénéficie d’une bonne capacité de régulation émotionnelle et d’une estime de soi stable.
Adulte à attachement évitant: Chez l’adulte évitant, l’intimité est souvent vécue comme intrusive. La personne protège sa vulnérabilité en maintenant la distance ou en rationalisant fortement le lien. Elle paraît indépendante, mais cette autonomie est défensive.
Dans la relation :
• Difficulté à exprimer ou même ressentir ses besoins
• Retrait lors des moments émotionnels
• Atténuation ou contrôle des affects Troubles associés fréquents :
• Alexithymie
• Somatisations (tensions, migraines, troubles digestifs)
• Anxiété internalisée
• Surinvestissement du travail ou de la performance…
Adulte à attachement anxieux: L’adulte anxieux craint profondément le rejet. La relation devient l’espace où se joue la sécurité intérieure. Il recherche la proximité, parfois jusqu’à la fusion, et vit intensément la moindre variation du lien.
Dans la relation :
• Besoin de réassurance constante
• Hypersensibilité aux silences ou distances
• Jalousie, dépendance affective
Troubles associés fréquents :
• Troubles anxieux généralisés
• Episodes dépressifs liés à l’épuisement émotionnel
• Troubles du sommeil
• Estime de soi instable….
Adulte à attachement désorganisé: L’intimité est ici vécue de manière paradoxale : désirée et redoutée. La régulation émotionnelle est instable, les réactions peuvent sembler abruptes ou contradictoires.
Dans la relation :
• Alternance rapprochement / rupture
• Débordements émotionnels
• Sensations de vide ou d’effondrement
Troubles associés fréquents :
• Traumatisme complexe
• Dissociation
• Troubles de la personnalité (notamment borderline)
• Conduites addictives ou auto-agressives….
Un attachement peut se transformer Les styles d’attachement ne sont pas figés. Ils se sont construits dans un contexte relationnel particulier, à un moment où ces stratégies étaient adaptatives. Ce qui a protégé l’enfant peut devenir coûteux à l’âge adulte, lorsque les situations relationnelles évoluent.
Le travail thérapeutique permet d’identifier ces schémas, de comprendre comment ils s’expriment dans les relations actuelles et d’expérimenter d’autres manières d’être en lien. La relation thérapeutique, stable et contenante, constitue un espace de réorganisation émotionnelle.
Apprendre à nommer ses besoins, accueillir ses émotions, ajuster la distance et la proximité, permettre au corps de retrouver une sécurité interne, sont autant de chemins possibles vers un attachement plus souple et plus apaisé. L’attachement est vivant. Il reste malléable tout au long de l’existence.
Bibliographie pour en savoir plus sur l’attachement.:
• Bowlby J., Attachement et perte, PUF
• Ainsworth M., Patterns of Attachment, Lawrence Erlbaum
• Main M. et Solomon J., travaux sur l’attachement désorganisé
• Stern D., Le monde interpersonnel du bébé, PUF
• Wallin D., L’attachement en psychothérapie, De Boeck
• Johnson S., Serre-moi fort, Marabout
• Guédeney N. et Guédeney A., L’attachement, Que sais-je ?
Sur le même thème : les vignettes cliniques des différentes formes d’attachement en psychologie