La situation actuelle est inédite à bien des égards : obligation de rester chez soi, stress lié à la situation sanitaire abreuvé abondamment par un flot d’informations angoissantes à la véracité parfois difficile à contrôler, difficultés à cumuler télétravail et garde des enfants, surtout si une partie de ces derniers sont scolarisés et doivent poursuivre leurs apprentissages à la maison, inquiétudes d’ordre professionnel et financier,… Les raisons ne manquent pas d’être morose, angoissé,… Face à vos propres doutes et questionnements, pas toujours facile de faire face à la véritable « éponge émotionnelle » qu’est votre petit bout de chou. Pour vous aider à mieux prendre la vague, voici quelques petits conseils.
Faut-il parler de l’épidémie à ses enfants ?
Que vous le vouliez ou non, les enfants, même très jeunes, sont inévitablement touchés par le contexte, non seulement parce que leur rythme de vie change mais aussi parce qu’ils perçoivent votre inquiétude. Si les enfants ont de formidables capacités d’adaptation, c’est aussi car ils ont un très fort potentiel à ressentir les changements dans leur environnement direct et qui dans leurs premières années représentent la quasi exclusivité de leurs interactions sociales.
Ne pensez pas que vos enfants sont « trop jeunes » pour comprendre et que cela va les « traumatiser davantage » si vous leur en parler. Nous savons aujourd’hui que le secret et le mensonge ont le plus souvent des effets négatifs sur les enfants qui en prennent conscience et qui en l’absence de réponses à leurs interrogations vont se créer des palliatifs, souvent à la source de cristallisations psychologiques. Les maîtres mots sont alors tempérance et adaptation. Tempérance dans le sens où, a contrario de ce que vous voyez sur les chaînes d’information continue, il ne faut pas que ce sujet soit le thème exclusif de vos échanges. Il ne doit pas être évité, mais il ne doit pas éviter d’évoquer tout autre thème. Adaptation dans le sens où c’est à vous, parent, que revient la tâche ô combien délicate, de filtrer et de reformuler les événements pour qu’ils puissent être « digérés » de la manière la plus fluide possible par votre enfant, en fonction de ses capacités cognitives, de son émotivité, des informations qu’il a entendu ou perçu.
Le problème de l’interprétation des faits par les enfants
La première étape est donc de prendre le temps d’observer ses comportements et de chercher à savoir ce qu’il sait, ce qu’il ignore, et plus encore : ce qu’il croit savoir sur la situation. N’oubliez jamais que ce n’est pas parce que vous n’avez pas parlé de la situation avec votre enfant, qu’il n’en a rien entendu. Tout le risque est souvent là.
Cette étape ne doit pas être négligée et offre au moins trois bénéfices :
– libérer la parole chez l’enfant ce qui lui permet d’évacuer une part de ses angoisses,
– permettre à l’enfant de se sentir entouré et soutenu par ses parents,
– Vous permettre de prendre « la température » des ressentis de votre enfant face à l’épidémie et à ce qu’il en a entendu.
Prenez objectivement le temps de vous questionner sur ce point.
Prenons l’exemple de jeunes enfants scolarisés. On a vu dans les premiers jours suivants l’arrêt de l’école de nombreux enfants très angoissés car ils avaient intégré que c’étaient eux qui transmettaient le virus à leurs proches. Cette idée, au-delà de la question de la véracité épidémiologique, est bien évidemment particulièrement anxiogène pour un enfant qui peut développer un très fort sentiment de culpabilité. Le rôle de l’adulte est ici primordial et saura facilement le rassurer, à condition d’avoir eu conscience de la situation que traverse l’enfant.
Comment parler du virus à son enfant ?
La première chose qui semble fondamentale est qu’il est important de parler du virus en le nommant, sinon l’enfant risque de développer un réflexe d’analogie face à toute maladie, en assimilant cette dernière à la situation très spécifique que nous vivons, ce qui peut être très anxiogène.
Vous pouvez ensuite expliquer le fonctionnement du virus en fonction de ce que l’enfant demande et de son âge. Vous verrez que cette démarche de mise en mots est d’autant plus bénéfique qu’elle a le pouvoir d’être un baume apaisant à la fois pour l’enfant et pour le parent : en parlant avec les enfants, avec des mots d’enfants, l’adulte retrouve un peu de sa pensée magique d’enfant et apaise aussi sa propre angoisse.
Par exemple :
– sur ce qu’est le virus : C’est comme un « tout petit monstre invisible, minuscule », « ça ressemble aux petits microbes qui te font tousser, mais des fois ils ne veulent pas partir »
– sur la notion de pandémie et le confinement : « ce n’est pas qu’ici » ou « c’est un peu comme le roi du Virus qui veut connaître tous les pays du Monde » et que l’objectif est que « le Virus arrête de voyager à travers le monde, pour que vous puissiez à votre tour partir en vacances ». Comme il est très petit on ne le voit pas et il peut aller d’une personne à une autre quand on est trop proche ou qu’on se touche, comme pour les poux. Le virus saute d’une personne à l’autre via les postillons ou le toucher, c’est pour ça qu’il faut souvent se laver les mains et qu’on évite d’aller voir ses amis. Il faut tout faire pour éviter qu’il aille chez tout le monde et que tout le monde soit malade. On peut également leur dire que si chacun reste chez soi, le virus ne pourra pas circuler. Que cette mesure permet de protéger les plus fragiles, à savoir les personnes âgées. L’adulte doit aussi expliquer l’importance de bien se laver les mains pour enlever le virus qui est dessus et ne pas le donner à quelqu’un. Toutes ces explications simples font que la peur se transforme en action et l’enfant ne ressent plus cette impuissance qui paralyse tout le monde.
– sur ce que fait le virus : Il entre dans les gens par la bouche, ou le nez, souvent parce que nos mains ont touché des objets où il était. La plupart du temps il ne fait rien et il s’en va du corps sans qu’on se soit aperçu qu’il était là, parfois il donne une maladie comme la grippe ou un gros rhume. Parfois, si on est en mauvaise santé ou fragile, ça peut être plus grave et on peut avoir du mal à respirer alors on va à l’hôpital. Si l’enfant rétorque qu’il sait que des gens sont morts, l’adulte peut lui répondre que c’est juste, mais que les personnes qui sont mortes étaient souvent déjà très malades ou très vieilles. Pour les protéger les médecins font très attention.
– sur le port du masque : Chez les plus jeunes, un visage masqué peut être aussi effrayant pour un enfant, car il ne peut plus se baser sur les repères émotionnels du visage. D’où l’importance d’expliquer le port du masque, quitte à le transformer en jeu comme « on est des super-héros face au coronavirus, on met notre panoplie pour l’empêcher de passer« .
Vous avez une petite vidéo qui explique aux enfants la situation : https://www.youtube.com/watch?v=yJbXEf9Tmus
Et si vous tiriez du positif de la situation ?
Le confinement et la réorganisation de votre emploi du temps actuellement peut vous amener à avoir de nouvelles relations avec vos enfants. Là où la plupart du temps nous sommes pressés dans le quotidien et où beaucoup de moments avec eux sont très brefs, voir abrégés, la période est propice à remettre la relation au cœur de votre quotidien.
Profitez-en tout d’abord pour remettre les temps du repas ou du coucher en valeur. Ces instants sont précieux en partage et ils devraient être des rituels en temps « normal ». Ils resteront d’actualités même après cette période. Autant en profiter pour poser ou reposer les bonnes bases. Au niveau du repas, évitez la télévision en fond sonore, surtout si vous mangez aux heures de journaux télévisés. Prenez peut être un peu plus de temps pour la préparation de ces derniers afin de diversifier, voir d’améliorer la qualité nutritionnelle de ces derniers, quitte à faire découvrir de nouvelles saveurs à vos enfants.
Pour ce qui est du coucher, prenez ce moment comme un vrai moment de complicité avec l’enfant.
Concernant les journées et leur organisation, il est tout d’abord important de se fixer un cadre temporel, une organisation de la journée la plus claire possible. Cela permet aux enfants comme aux parents de ne pas « végéter » et de continuer autant que possible à garder un cap. Cette rigueur permettra d’ailleurs de faciliter la « reprise », une fois le confinement passé. Cela permet aussi aux enfants de prendre conscience que leurs parents ont d’autres tâches à gérer, même s’il est certain que cette notion est difficile pour les tous petits. Ce cadre ne doit pas empêcher de faire varier le contenu des journées, il s’agit avant tout de garder un rythme avec des repères.
Aménagez-vous également des temps collectifs et des temps individuels (ou entre papa et maman).
Concernant les activités, il est évident que les familles et les enfants ne sont pas tous égaux dans le confinement. Jardin ou pas, balcon ou pas, petits espaces ou grands espaces … Néanmoins, quelle que soit la configuration de votre habitat il y a moyen de trouver des petites astuces pour que petits et grands s’y retrouvent.
Par exemple pour lutter contre l’inactivité, si vous n’avez pas d’extérieur vous pouvez créer un parcours de psychomotricité dans votre salon avec des coussins où toute la famille peut participer.
Les activités créatives sont d’excellents moyens d’occuper toute la famille. Voici un petit lien qui pourra vous donner quelques idées : https://www.enjoyfamily.fr/les-rdv-creatifs/ .
On peut également prévoir des activités collectives tel que le chant, la danse …
Enfin, et même si les tentations sont parfois grandes, aussi bien du côté des enfants que des parents, cette période ne doit pas être un temps où vos enfants passent plus de temps sur les écrans mais plutôt un temps où petits et grands partagent des moments de convivialité.
En conclusion
Voici quelques conseils pour accompagner au mieux votre enfant :
- Restez à l’écoute de vos émotions et gérez votre propre stress afin de limiter la portée sur vos enfants.
- Mettez des mots sur vos émotions (j’ai peur, je suis inquiète, je suis triste, je suis en colère…) en présence de l’enfant. Et prenez le temps de lui expliquer les enjeux de cette épidémie avec des mots simples.
- Les épisodes de colère sont pour un enfant un excellent moyen de se décharger de ses tensions et de recréer du lien avec l’adulte. Il est probable que la situation actuelle soit le théâtre de montées d’angoisses favorisant leur déclenchement. Dans la mesure du possible, laissez ces derniers s’exprimer.
- Un enfant a besoin de se dépenser physiquement. Profitez dans la mesure du possible de vos autorisations de sortie pour qu’ils dépensent de l’énergie. Si vous avez un espace extérieur, laissez leur l’opportunité d’en profiter, sur des plages de temps le plus large possible, mais dans le respect d’un cadre et de l’emploi du temps que vous avez mis en place. Si vous n’avez pas d’exterieur, ou qu’il ne peut y être seul, laissez l’enfant explorer le plus librement possible votre domicile afin qu’il puisse retrouver un semblant d’activité physique. Proposez-lui du mobilier qu’il puisse escalader (table basse, chaise, pouf…) et/ ou sur lequel il puisse sauter (lit, matelas…), en limitant autant que possible les risques de bobos.
- Alternez des activités qui sollicitent de la concentration avec des activités durant lesquelles il peut bouger son corps dans tous les sens et décharger ses tensions. Ce point est valable quel que soit l’âge de votre enfant, et s’applique même à vous.
N’oubliez pas : les enfants sont les premières victimes de vos angoisses d’adultes. Il est essentiel de leur parler pour leur expliquer le contexte et limiter le risque que leurs angoisses se traduisent par des maux plus ou moins perceptibles (troubles régressifs, angoisses nocturnes), ou des manifestations psychosomatiques (mal au ventre, à la tête, troubles du comportement …)