Alors que le flou (et même le vide) juridique qui entoure le harcèlement sexuel a été partiellement dissipé avec la nouvelle version de la loi sur le harcèlement du 6 Aôut 2012, les cas de harcèlements, qu’ils soient d’ordre moral ou sexuel, restent particulièrement répandus. Face aux interrogations et aux traumatismes que les victimes de harcèlements peuvent ressentir, le magazine Nous Deux a proposé il y a quelques semaines un dossier de témoignages sur ce phénomène. Avec des mots simples et en veillant à brosser un panorama le plus large possible, l’hebdomadaire retrace notamment trois parcours de vie différents dont le point commun est une situation de harcèlement. Sans violence physique directe, les victimes y évoquent néanmoins le trouble, le mal être et les questions qui sont au coeur des processus classiques de harcèlement. Les investigations des journaliste de Nous Deux les ont amené à me contacter afin donner brièvement mes conseils et premières réflexions sur ces cas. Exercice délicat quand il s’agit d’intervenir a priori sur des situation dont on a que très peu d’informations. Je vous propose de retrouver cet extrait qui, sans prétention de décrypter les mécanismes psychologiques extrêmement complexes et pluriels chez les victimes de harcèlement sexuel, permet néanmoins d’avoir un premier aperçu « concret » des diversités de situations que ce phénomène regroupe, et de glaner quelques conseils simples pour réagir.
Voici une synthèse de ces trois témoignages, vous pourrez les retrouvez prochainement dans leur intégralité en téléchargeant cet article pièce jointe (page1 – page 2).
– Un cas de harcèlement au travail: Véronique 45 ans, victime de harcèlement par un supérieur hiérarchique dans le cadre de son activité professionnelle.
Les faits en quelques mots (extrait de l’article): « Secrétaire dans une grande entreprise, je suis devenue à la suite d’une promotion, il y a cinq ans, l’assistante d’un chef de service.[…] Autoritaire, il considère que l’homme est fait pour exercer des responsabilités, et que la femme doit être soumise aux ordres.[…] J’ai eu le droit à toutes sortes d’allusions et de réflexions, de plutôt charmantes à très déplacées. Mais il a eu beaucoup de mal à admettre que je lui résiste. Il est devenu désagréable, me donnant ordres et contre ordres, tout en me laissant entendre que la situation pouvait s’améliorer si je le souhaitais. J’en ai informé le service RH, qui l’a convoqué. Il a tout nié, m’accusant d’être perturbée mentalement et d’être amoureuse de lui. De guerre lasse j’ai porté plainte. Elle a été classée sans suite mais j’ai pu négocier mon départ vers un poste plus serein. »
L’avis du psychologue: Une situation typique de harcèlement sexuel au travail: un collègue multiplie les insinuations caractère sexuel qui vont peu à peu prendre le pas sur les rapports professionnels. Si une explication avec le harceleur ne met pas un terme à ces agissement, il faut alerter le service RH ou la direction. Et s’il le faut, les autorités judiciaires. Une étape difficile pour des femmes qui n’ont pas confiance en elles et craignent pour leur emploi. Pourtant, ne rien faire, c’est risquer de conforter le harceleur dans sa conviction que cette situation plaît à la victime. Et même si la plainte est classée sans suit, elle peut suffire à neutraliser le harceleur ou permettre de négocier un changement de service ou un départ.
– Un cas de harcèlement par un ex conjoint: Emma 41 ans.
Les faits en quelques mots: « J’ai rencontré Yann quand j’avais 20 ans. Il avait une dizaine d’année de plus et il me fascinait. […]Mais quand l’attraction et la nouveauté se sont émoussées, je lui ai dit que je souhaitais rompre. […] Il a très mal vécu la situation, refusant ce qui n’était que l’évolution logique d’une simple aventure. Il s’est mis à m’appeler tous les jours. Face à mon refus de poursuivre notre histoire, il a décidé de me harceler. Il a commencé par m’appeler à n’importer quelle heure du jour et de la nuit,[…] Puis je me suis rendue compte qu’il me suivait dans la rue et qu’il épiait mes moindres gestes. J’ai pris peur. Je suis donc allée déposer une main courante au commissariat, puis j’ai laissé une copie àson nom devant la porte de sa maison. Du jour au lendemain je n’ai plus jamais eu de nouvelles.
L’avis du psychologue: Les séparations amoureuses font souvent naître des rapports très différents de ceux qui régissaient la relation. Dans le cas d’Emma, sa volonté de rupture a été vécue comme intolérable par son compagnon. Soit parce qu’il ne concevait pas d’être délaissé par une femme, soit parce qu’il éprouvait des sentiments qui n’étaient pas ceux d’une simple aventure. En tout état de cause, si l’ex conjoint ne parvient pas à accepter la situation, il est très important, de ne pas laisser se développer des situations d’intimidation. Emma a eu raison de prendre immédiatement les devants lorsque la relation a tourné au harcèlement. Bien souvent le simple fait de d?poser une main courante permet à un individu trop insistant de prendre conscience qu’il a franchi une ligne rouge. Et surtout que l’autre n’est en aucun cas prête à céder.
– Un témoignage de harcèlement dans les transports en communs: Laurence, 33 ans:
Les faits en quelques mots: « Il y a deux ans, je prenais toujours le train de 7 heures. Entre habitués, on finit par se connaître. On échange des saluts, des sourires,…Un jeune homme timide avait pris l’habitude de s’asseoir face à moi. Nous échangions juste quelques paroles de politesse. Un jour il m’a demandé mon numéro de téléphone. J’ai refusé mais il ne s’est pas découragé pour autant. Au bout de trois semaine, il m’a offert un bouquet de fleurs. C’était charmant, j’ai eu la faiblesse d’accepter. Grave erreur! Il s’est senti encouragé. Il a commencé à s’asseoir à côté de moi, puis il est devenu très insistant. Je l’ai gentiment prié d’arrêter. Mais il m’a expliqué que j’étais la femme de sa vie, que j’allais bientôt m’en rendre compte et que nous vivrions une formidable histoire. J’ai donc pris le train précédent. Manque de chance il était déjà sur le quai à m’attendre. Un train plus tard: il m’attendait,… Je me suis fâchée, je l’ai traité de tous les noms, rien n’y faisait. Je n’osais pas porter plainte, car il n’avait aucun geste déplacé. J’ai donc fini par demander un changement radical de mes horaires de travail. Depuis je ne l’ai plus jamais rencontré. »
L’avis du psychologue: Mis à part le fait d’avoir accepté un bouquet de fleurs, Laurence n’a jamais eu de comportement ambigu vis à vis de son voisin de rame. C’est très important, car, dans ces situations, la victime se pose souvent des questions qui entretiennent un sentiment de culpabilité. Lui ai-je laissé penser qu’il m’intéressait? Lequel de mes propos a t’il pu mal interpréter? Etc. La difficulté, ici, réside à la fois dans le refus de cet homme à comprendre, mais aussi dans le fait qu’aucun geste déplacé ne soit à signaler; La répétition, le sentiment d’être prisonnière des circonstances font naitre la sensation de harcèlement. Laurence a eu la chance de pouvoir modifier ses horaires. Mais ce type de solution n’est profitable à la victime que si elle est suffisamment forte pour ne pas vivre son changement d’habitudes comme un échec à résoudre cette difficulté.