Interrogée récemment par une étudiante en journalisme sur le thème du harcèlement scolaire et sur l’impact des nouvelles technologies pour la victime de harcèlement, il m’a semblé intéressant d’apporter ici un éclairage complémentaire sur cette problématique dont la croissance est inquiétante.

On ne le répétera jamais assez, au-delà des formidables avancés technologiques et de tout ce qu’elles présentent comme potentiel (notamment en terme d’accès à l’information dans le sens le plus générique qui soit), les fonctionnalités de partages portés par les réseaux sociaux ou les sites de vidéos en lignes peuvent se transformer en véritables pièges pour des adolescents fragiles. Le scénario est presqu’ inévitablement le même: un téléphone portable capte des images ou vidéos dégradantes (victimes d’agressions morales, physiques, sexuelles sont monnaie courante dans ce type de vidéos) qui sont ensuite diffusées massivement sur le net. Parfois de simples photos « retouchées » suffisent à lancer les rumeurs les plus honteuses. Sans compter la déferlante d’agressions verbales qui peuvent être particulièrement traumatisantes pour des adolescents qui sont en pleine construction identitaire.

La violence de ces agressions en règles sont décuplées par le fait qu’elle ne se limite plus à un cercle restreint mais qu’elle peut s’exercer 7j/7, 24h/24, dans n’importe quel lieu. Derrière l’apparente maitrise de l’outil informatique par cette génération il est marquant de constater à quel point les victimes sont démunies quand il s’agit de faire cesser la propagation de tels contenus ou de réagir face à ces situations. La plupart du temps, ces adolescents déjà fragiles sont submergés par un flot de violences qu’ils ne peuvent affronter seuls.

Si ces adolescents victimes de harcèlement sur les réseaux sociaux ne sont pas soutenus, par des amis qui restent à leurs cotés, par leur famille,… il est fréquent qu’ils plongent très rapidement dans des processus de dépression qui s’apparentent à des « descentes aux enfers ». Dans certains cas, le suicide leur apparait même comme la seule issue pour faire cesser la honte (voir pour préserver leur famille).

Dans ce contexte, il est fondamental que les parents et les proches soient attentifs et jouent un vrai rôle de prévention. Libérer la parole permettra à la victime de moins culpabiliser, de relativiser les moqueries les moins violentes, et surtout d’entreprendre des actions pour sortir de cette situation (action en justice, changement d’établissement, mesure pour effacer les contenus incriminés).

L’article complet sur les dérives des jeunes et le harcèlement est consultable ici.

Alors que le flou (et même le vide) juridique qui entoure le harcèlement sexuel a été partiellement dissipé avec la nouvelle version de la loi sur le harcèlement du 6 Aôut 2012, les cas de harcèlements, qu’ils soient d’ordre moral ou sexuel, restent particulièrement répandus. Face aux interrogations et aux traumatismes que les victimes de harcèlements peuvent ressentir, le magazine Nous Deux a proposé il y a quelques semaines un dossier de témoignages sur ce phénomène. Avec des mots simples et en veillant à brosser un panorama le plus large possible, l’hebdomadaire retrace notamment trois parcours de vie différents dont le point commun est une situation de harcèlement. Sans violence physique directe, les victimes y évoquent néanmoins le trouble, le mal être et les questions qui sont au coeur des processus classiques de harcèlement. Les investigations des journaliste de Nous Deux les ont amené à me contacter afin donner brièvement mes conseils et premières réflexions sur ces cas. Exercice délicat quand il s’agit d’intervenir a priori sur des situation dont on a que très peu d’informations. Je vous propose de retrouver cet extrait qui, sans prétention de décrypter les mécanismes psychologiques extrêmement complexes et pluriels chez les victimes de harcèlement sexuel, permet néanmoins d’avoir un premier aperçu « concret » des diversités de situations que ce phénomène regroupe, et de glaner quelques conseils simples pour réagir.

Voici une synthèse de ces trois témoignages, vous pourrez les retrouvez prochainement dans leur intégralité en téléchargeant cet article pièce jointe (page1 page 2).

– Un cas de harcèlement au travail: Véronique 45 ans, victime de harcèlement par un supérieur hiérarchique dans le cadre de son activité professionnelle.

Les faits en quelques mots (extrait de l’article): « Secrétaire dans une grande entreprise, je suis devenue à la suite d’une promotion, il y a cinq ans, l’assistante d’un chef de service.[…] Autoritaire, il considère que l’homme est fait pour exercer des responsabilités, et que la femme doit être soumise aux ordres.[…] J’ai eu le droit à toutes sortes d’allusions et de réflexions, de plutôt charmantes à très déplacées. Mais il a eu beaucoup de mal à admettre que je lui résiste. Il est devenu désagréable, me donnant ordres et contre ordres, tout en me laissant entendre que la situation pouvait s’améliorer si je le souhaitais. J’en ai informé le service RH, qui l’a convoqué. Il a tout nié, m’accusant d’être perturbée mentalement et d’être amoureuse de lui. De guerre lasse j’ai porté plainte. Elle a été classée sans suite mais j’ai pu négocier mon départ vers un poste plus serein. »

L’avis du psychologue: Une situation typique de harcèlement sexuel au travail: un collègue multiplie les insinuations caractère sexuel qui vont peu à peu prendre le pas sur les rapports professionnels. Si une explication avec le harceleur ne met pas un terme à ces agissement, il faut alerter le service RH ou la direction. Et s’il le faut, les autorités judiciaires. Une étape difficile pour des femmes qui n’ont pas confiance en elles et craignent pour leur emploi. Pourtant, ne rien faire, c’est risquer de conforter le harceleur dans sa conviction que cette situation plaît à la victime. Et même si la plainte est classée sans suit, elle peut suffire à neutraliser le harceleur ou permettre de négocier un changement de service ou un départ.

– Un cas de harcèlement par un ex conjoint: Emma 41 ans.

Les faits en quelques mots: « J’ai rencontré Yann quand j’avais 20 ans. Il avait une dizaine d’année de plus et il me fascinait. […]Mais quand l’attraction et la nouveauté se sont émoussées, je lui ai dit que je souhaitais rompre. […] Il a très mal vécu la situation, refusant ce qui n’était que l’évolution logique d’une simple aventure. Il s’est mis à m’appeler tous les jours. Face à mon refus de poursuivre notre histoire, il a décidé de me harceler. Il a commencé par m’appeler à n’importer quelle heure du jour et de la nuit,[…] Puis je me suis rendue compte qu’il me suivait dans la rue et qu’il épiait mes moindres gestes. J’ai pris peur. Je suis donc allée déposer une main courante au commissariat, puis j’ai laissé une copie àson nom devant la porte de sa maison. Du jour au lendemain je n’ai plus jamais eu de nouvelles.

L’avis du psychologue: Les séparations amoureuses font souvent naître des rapports très différents de ceux qui régissaient la relation. Dans le cas d’Emma, sa volonté de rupture a été vécue comme intolérable par son compagnon. Soit parce qu’il ne concevait pas d’être délaissé par une femme, soit parce qu’il éprouvait des sentiments qui n’étaient pas ceux d’une simple aventure. En tout état de cause, si l’ex conjoint ne parvient pas à accepter la situation, il est très important, de ne pas laisser se développer des situations d’intimidation. Emma a eu raison de prendre immédiatement les devants lorsque la relation a tourné au harcèlement. Bien souvent le simple fait de d?poser une main courante permet à un individu trop insistant de prendre conscience qu’il a franchi une ligne rouge. Et surtout que l’autre n’est en aucun cas prête à céder.

– Un témoignage de harcèlement dans les transports en communs: Laurence, 33 ans:

Les faits en quelques mots: « Il y a deux ans, je prenais toujours le train de 7 heures. Entre habitués, on finit par se connaître. On échange des saluts, des sourires,…Un jeune homme timide avait pris l’habitude de s’asseoir face à moi. Nous échangions juste quelques paroles de politesse. Un jour il m’a demandé mon numéro de téléphone. J’ai refusé mais il ne s’est pas découragé pour autant. Au bout de trois semaine, il m’a offert un bouquet de fleurs. C’était charmant, j’ai eu la faiblesse d’accepter. Grave erreur! Il s’est senti encouragé. Il a commencé à s’asseoir à côté de moi, puis il est devenu très insistant. Je l’ai gentiment prié d’arrêter. Mais il m’a expliqué que j’étais la femme de sa vie, que j’allais bientôt m’en rendre compte et que nous vivrions une formidable histoire. J’ai donc pris le train précédent. Manque de chance il était déjà sur le quai à m’attendre. Un train plus tard: il m’attendait,… Je me suis fâchée, je l’ai traité de tous les noms, rien n’y faisait. Je n’osais pas porter plainte, car il n’avait aucun geste déplacé. J’ai donc fini par demander un changement radical de mes horaires de travail. Depuis je ne l’ai plus jamais rencontré. »

L’avis du psychologue: Mis à part le fait d’avoir accepté un bouquet de fleurs, Laurence n’a jamais eu de comportement ambigu vis à vis de son voisin de rame. C’est très important, car, dans ces situations, la victime se pose souvent des questions qui entretiennent un sentiment de culpabilité. Lui ai-je laissé penser qu’il m’intéressait? Lequel de mes propos a t’il pu mal interpréter? Etc. La difficulté, ici, réside à la fois dans le refus de cet homme à comprendre, mais aussi dans le fait qu’aucun geste déplacé ne soit à signaler; La répétition, le sentiment d’être prisonnière des circonstances font naitre la sensation de harcèlement. Laurence a eu la chance de pouvoir modifier ses horaires. Mais ce type de solution n’est profitable à la victime que si elle est suffisamment forte pour ne pas vivre son changement d’habitudes comme un échec à résoudre cette difficulté.

Retrouvez l’interview donnée par Alexandra MOINS au sujet de quelques facteurs psychologiques à l’oeuvre dans l’infanticide. Cet article fait suite à l’étude sur le phénomène de l’infanticide menée et dont les principales tendances ont été publiées sur ce blog.

Cliquez sur l’image pour lire l’article ou sur le lien suivant: http://www.atlantico.fr/decryptage/infanticide-meurtre-nouveaux-nes-mere-deni-grossesse-fragilite-personnalite-dominique-cottrez-veronique-courjault-alexandra-moin-439993.html

En complément de l’article sur le harcèlement à l’école et ses conséquences psychologiques, vous trouverez ci dessous un dossier faisant la part belle aux témoignages de parents d’enfants en situation de harcèlement scolaire, réalisé par le magazine Maxi en mars 2012. Vous y trouverez également ma participation à travers quelques « conseils » simples mais qu’il est toujours important de rappeler.

Une journaliste du Figaro a souhaité obtenir certains éclaircissements relatifs aux mécanismes à l’oeuvre chez les victimes d’ agressions sexuelles. L’interview prenant place dans le contexte sensible des accusations envers DSK, je profite de cette occasion pour apporter differents compléments d’analyse dans cet article. Il sera suivi d’ autres billets sur le thème de la psychologie du viol.

Le scandale de l’affaire DSK a été relancé en France par les accusations de Tristane Banon à l’encontre de l’ex-directeur du FMI, propos nettement relayés par les organismes de presse et l’ensemble des médias. Face aux interrogations nombreuses entourant la véracité des faits, j’ai été sollicitée par le Figaro pour répondre à quelques questions relatives aux victimes d’ agressions sexuelles en général. Evidemment je ne me permets en aucun cas de porter une opinion sur le crédit à apporter aux dires de Madame Banon qui font l’objet d’ une enquête, ne connaissant des faits que ce que les médias en ont relaté. Les morceaux choisis de cette entrevue ont été publiés dans l’édition du 6 Juillet 2011. ( vous pouvez visualiser l’intégralité du reportage ou visiter le site du figaro.fr)

Afin de décrire les mécanismes que peuvent adopter les victimes de viol ou d’ agressions sexuelles et d’étudier en quoi le travail avec un psychologue est fortement préconisé je débuterai par reprendre en substance les éléments tels qu’ils ont été présentés dans le quotidien en y apportant certains commentaires préalables.

LE FIGARO. – Quels mécanismes psychologiques conduisent une victime à porter plainte des années après les faits ?

Alexandra MOINS.- On peut tout d’abord relever le degré de proximité avec l’agresseur. On a beaucoup plus de mal à porter plainte contre quelqu’un de sa famille, de son voisinage, un collègue de bureau que contre un anonyme. La première explication à ce phénomène est la peur: celle des représailles, des relations au quotidien et du regard des autres.

LE FIGARO. – Mais quand l’agresseur présumé est un personnage public ?

Alexandra MOINS.- Le pouvoir et les pressions que peuvent évoquer un personnage public complique encore plus les choses car la victime s’expose au regard de l’opinion entière et plus seulement de son entourage. Les enjeux sont plus grands, la responsabilité aussi et la victime sait que sa crédibilité sera dix fois plus mise en doute car on sera beaucoup plus attentif à vérifier l’authenticité des faits.

Devoir réévoquer l’agression, donc la revivre, et, par surcroit, le faire de manière publique, c’est beaucoup de pression et c’est souvent pourquoi les plaignantes hésitent longtemps avant de se lancer dans une procédure judiciaire, voire ne le font pas du tout. Surtout si leur entourage familial n’est pas là pour les soutenir.

LE FIGARO. – Comment expliquez-vous la désinvolture que l’on reproche à Tristane Banon lorsqu’elle évoque les faits présumés dans l’émission de Thierry Ardisson ?

Alexandra MOINS.- La banalisation des actes traumatiques est un mécanisme de défense bien connu. C’est un moyen de se réapproprier les événements, de se constituer une carapace, une façon de mettre émotionnellement à distance des événements douloureux que, souvent, on a seulement partiellement reconnus et pour lesquels on éprouve toujours un sentiment de culpabilité.

Commentaires préalables
Sans entrer dans la polémique naturelle que suscite ces thèmes de grande actualité, j’aimerai apporter certains commentaires à ces propos afin qu’ils ne soient pas sortis de leur contexte.

En aucun cas les éléments repris ci dessus ne doivent être perçus comme un plaidoyer en faveur de la victime supposée de l’affaire Banon. Bien que les questions s’appuient logiquement sur un cas à la une de la presse, les propos visent à mettre à jour certains aspects de victimes avérées d’agressions sexuelles. Cette intervention sur les mécanismes psychologiques n’intervient donc pas dans à proprement parler dans un cadre expertal où le psychologue doit se prononcer sur le degré de plausibilité d’ accusations.
En outre ils ne constituent que certaines clés d’ analyses, telles qu’elles m’ont été donnée d’ observer dans ma pratique. Bien entendu et comme il est essentiel de le rappeler ces éléments ne sont absolument pas systématiques et dépendent de très nombreux facteurs psychologiques.

Enfin le phénomène de banalisation évoqué ici est beaucoup plus complexe qu’il n ‘y parait, peu d’ études y faisant référence et mon analyse. J’y reviendrais plus longuement.